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L’obsession de la chirurgie esthétique : pourquoi tant de personnes ont-elles recours à la chirurgie esthétique alors qu’elles n’en auraient pas besoin ? Un chirurgien plasticien explique les raisons psychologiques profondes de ce phénomène.
De nos jours, nous sommes de plus en plus enclins à effectuer des retouches de toutes sortes, et la plupart du temps, nous n’en avons même pas besoin. Mais qu’est-ce qui nous pousse à l’obsession de la « perfection » ? Quelles sont les véritables raisons qui nous rendent si faciles à manier au scalpel ? Nous avons demandé à notre chirurgien plasticien.

Parlons de la chirurgie esthétique et des différents relookages.

Quelle est vraiment la fonction psychologique de « refaire » les lèvres ou les seins ?

Il faut d’abord faire une distinction. Il existe des personnes qui présentent (pour diverses raisons) des défauts esthétiques. Dans ce cas, on parle de chirurgie esthétique « reconstructive ». Si, par contre, nous parlons d’interventions esthétiques au sens strict, alors il n’y a pas vraiment de défaut évident, et ce qui compte c’est l’expérience de la personne, qui est celle de ne pas être aimée, de ne pas être belle, et donc il y a la recherche de la modification de la partie qui est vue comme « défectueuse », afin de revenir à être et à se sentir belle. La fonction psychologique est donc celle de compenser l’angoisse de ne pas se voir belle, ce qui peut passer du remodelage des lèvres au remodelage des seins. Souvent, ces opérations sont également nécessaires pour arrêter le temps : beaucoup de personnes ont du mal à accepter la vieillesse, elles tentent donc par tous les moyens de rester jeunes, avec des effets parfois plus que grotesques.

Peur de vieillir : comment réagir ?

De nombreuses femmes affirment s’être fait relooker « comme une preuve d’amour ». Pour ressembler davantage à l’idéal souhaité par leur partenaire

Quels mécanismes psychologiques conduisent à des situations de ce type ?

Dans ces cas, le problème est encore plus grand, car l’opération n’est pas faite pour soi, mais pour l’autre personne. Ce sont des personnes qui ont de gros problèmes de dépendance affective, qui recherchent l’affection en essayant d’être comme l’autre le veut. Souvent, l’estime de soi de ces personnes est très faible et la seule façon de la remonter est d’avoir l’approbation de l’autre. Lorsque ces personnes rencontrent des partenaires très exigeants, il se crée alors un couple où l’un demande et l’autre satisfait, avec une dynamique terrible qui conduit l’un à être soumis à l’autre. Disons aussi qu’il s’agit souvent d’une excuse derrière laquelle une personne se cache parce qu’elle a honte du fait qu’elle ne s’aime pas.

Cela vaut-il donc la peine de faire peau neuve ?

Plus que de se refaire une beauté, il vaudrait la peine de se « faire » dans le sens de l’achèvement : beaucoup de gens sont en effet des personnes psychologiquement incomplètes, pas très adultes, pas très mûres, qui essaient de compenser toutes leurs carences psychologiques et émotionnelles en se cachant derrière leur apparence physique. Ces personnes vivent en fait avec le tourment d’une faible estime de soi qui leur répète à longueur de journée qu’elles ne sont pas suffisantes et que personne ne voudra jamais d’elles. Pour ces personnes, je recommande tout d’abord un voyage intérieur pour se « construire » en tant que personnes qui s’aiment et qui s’estiment, puis, en tant que personnes complètes, elles peuvent décider si cela vaut vraiment la peine d’affronter la chirurgie avec tous les risques que cela comporte, ou si elles doivent trouver (pour citer l’exemple ci-dessus) un partenaire qui les aime autant qu’elles s’aiment elles-mêmes. Selon vous, la chirurgie esthétique peut-elle être comparée à une féminité construite à des fins publicitaires ?
Disons qu’une grande partie de la beauté occidentale est empruntée aux canons de beauté inspirés par la publicité et les médias de masse. La chirurgie esthétique peut faire au corps ce que l’on ne peut pas faire à l’âme : en couper un morceau. Vous avez beau modifier votre corps, si une partie de notre âme se moque de nous et nous dit que nous n’en valons pas la peine, elle continuera à le faire malgré toutes les retouches du chirurgien, et il n’y a pas de scalpel que l’on puisse utiliser.
D’où vient la perception belle ou laide de notre image ? Freud dit que le premier moi à se former est le moi corporel. Qu’est-ce que ça veut dire ?

Que la première perception que nous avons de nous-mêmes est à travers le corps.

L’estime de soi d’une personne se forme au cours des stades de développement de cette personne. Ainsi, un garçon ou une fille qui a été vraiment aimé(e), soigné(e) et élevé(e) avec suffisamment d’amour, qui a eu une famille qui l’a accueilli(e) et qui a connu une croissance relativement saine, aura une bonne estime de soi et se percevra comme une belle personne, à la fois intérieurement et par rapport à son image corporelle. Si ces conditions n’ont pas été réunies ou si des événements traumatisants de toutes sortes se sont produits, l’enfant qui ne se sent pas aimé commencera à se considérer comme « laid », indésirable, d’abord sur le plan physique, puis comme une personne de peu de valeur et non digne d’amour. Nous arrivons donc à l’adulte qui n’est pas sûr de lui et de son corps et qui tente de se « guérir » en demandant au chirurgien de modifier une partie qu’il considère comme laide. Évidemment modifié sur une partie, il commencera à voir sa laideur sur une autre partie de son corps.
Pour les chirurgiens esthétiques, il s’agit d’une véritable fortune en termes économiques, et beaucoup d’entre eux ne se demandent pas s’il y a un malaise de la personne derrière ces questions. Très peu de chirurgiens esthétiques font appel aux services d’un psychologue. Souvent, ces personnes viennent chez le psychologue complètement défigurées par la chirurgie esthétique, pour des problèmes de dépression plus ou moins indéterminés. Leur dépression vient du fait qu’ils n’ont pas été acceptés à l’époque et qu’ils ne s’acceptent pas aujourd’hui. Disons que, dans tous les cas, ces dynamiques sont très complexes et varient d’une personne à l’autre. On peut les considérer comme deux cas « limites » à des fins d’illustration. En réalité, le discours est beaucoup plus complexe.

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