Alors que la crise de la zone euro fait rage et qu’aucune solution n’est en vue, Il examine comment l’ensemble du projet européen a été mené dès le départ par les grandes entreprises ; comment les contradictions qui menacent aujourd’hui de détruire la zone euro ont été évidentes tout au long de la crise ; et comment l’intégration européenne et la monnaie unique ont été opposées par des grèves de masse et des mobilisations populaires dans toute l’Europe.
L’intégration européenne – l’histoire et les leçons
Les premiers pas vers l’intégration européenne ont été le produit de l’immédiat après-guerre. La classe dirigeante européenne avait besoin de stabiliser son pouvoir à la suite des soulèvements populaires et des radicalisations qui ont eu lieu au moment de la libération, notamment en France et en Italie. La réponse fut l’aide Marshall qui reflétait l’hégémonie économique des États-Unis de l’après-guerre et la suprématie du dollar en tant que monnaie internationale.
En 1951, la Communauté européenne du charbon et de l’acier est créée. Elle comptait six États membres : Allemagne, Belgique, France, Italie, Pays-Bas et Luxembourg. Il s’agissait à la fois d’une réorganisation de l’Europe occidentale contre l’Est et d’une tentative d’intégrer une Allemagne de l’Ouest affaiblie dans un cadre européen, ce qui, espérons-le, permettrait d’éviter de nouvelles guerres européennes. Une Cour de justice européenne a été créée en 1953.
La France soutient fortement la Communauté du charbon et de l’acier, mais s’oppose à l’OTAN car elle veut construire une Europe indépendante des États-Unis. De Gaulle refuse donc d’adhérer à l’OTAN et la France développe sa propre capacité militaire indépendante, y compris des armes nucléaires.
Le traité de Rome et la CEE
En mars 1957, le traité de Rome a été signé, créant la Communauté économique européenne (CEE) connue sous le nom de Marché commun. Le traité a étendu les compétences de la Communauté à l’agriculture et a établi une union douanière commune. La concurrence serait la base de toute activité économique et industrielle et tous les obstacles à celle-ci seraient supprimés.
La Grande-Bretagne a demandé à rejoindre la CEE en 1961, avec le Danemark et l’Irlande, sans référendum ni mandat démocratique. De Gaulle s’est opposé à la demande de la Grande-Bretagne. Il ne voulait pas de ce qu’il considérait comme un cheval de Troie américain potentiel en tant qu’État membre. Il craignait également que les divisions au sein de la classe dirigeante britannique sur la CEE ne perturbent l’alliance franco-allemande qui la dominait.
En 1962, la politique agricole commune, très controversée, a été mise en place. Les droits de douane internes ont été abolis et un tarif extérieur commun a finalement été introduit. La Cour de justice européenne se voit attribuer une compétence interne aux États membres.
La politique agricole commune était, et continue d’être, un mécanisme de destruction de la production agricole dans les pays du tiers monde par le versement d’énormes subventions aux producteurs de l’UE. Ces subventions dépassent les producteurs du tiers monde, même lorsqu’ils travaillent à des salaires de misère.
En 1963, De Gaulle a opposé son veto à l’adhésion de la Grande-Bretagne à la CEE, et la Grande-Bretagne a été tenue à l’écart à ce moment-là. En tout état de cause, la Grande-Bretagne se tournait toujours vers un rôle mondial et sa relation dite spéciale avec les États-Unis.
En 1965, le traité dit de fusion fut signé, unifiant les organes directeurs de la CEE par la création du Conseil des ministres et de la Commission européenne avec des pouvoirs exécutifs.
Le Conseil des ministres est devenu l’organe législatif suprême de la CEE, capable d’outrepasser les lois existantes des États membres. Il se réunit en secret et se compose d’un ministre de chaque État membre. Le déficit démocratique est institutionnalisé.
La Grande-Bretagne rejoint la CEE
Au début des années 1970, la réflexion française sur l’adhésion britannique est en train de changer. Elle était désormais de plus en plus considérée comme un contrepoids potentiel à la puissance croissante de l’Allemagne. Sur cette base, le premier ministre de l’époque, Edward Heath, a pu faire entrer la Grande-Bretagne dans la CEE en 1973, avec le Danemark et l’Irlande, et sans mandat démocratique.
En 1974, Edward Heath a été remplacé par le travailliste Harold Wilson. La politique officielle du parti travailliste était de se retirer de la CEE. En 1975, Wilson a donc organisé un référendum sur le maintien de l’adhésion de la Grande-Bretagne – avec une recommandation d’acceptation.
Wilson remporta le vote pour le maintien de l’adhésion contre une campagne du « Non » soutenue par l’ensemble de la gauche : la plupart des travaillistes, l’extrême gauche et la majorité des syndicats, et dirigée par Tony Benn, Michael Foot et Peter Shore. Ce fut une défaite majeure pour la gauche et les syndicats, immédiatement suivie par l’imposition par Wilson d’une politique salariale.
En 1975, un Parlement européen élu au suffrage direct a été créé, les premières élections devant avoir lieu en 1979. Cela ne changera cependant pas grand-chose au déficit démocratique de la CEE, puisque les pouvoirs exécutifs resteront entre les mains du Conseil des ministres et de la Commission européenne.
Les batailles pour la régulation des monnaies
En 1971, le système de Bretton Woods – qui avait maintenu des taux de change fixes (par rapport à l’or) dans la période d’après-guerre – s’est effondré et un retour aux monnaies flottantes a eu lieu.